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"Comprendre la montagne pour trouver des solutions sans arrêter le ski" - Xavier Cailhol


« On n'arrête pas le ski, on trouve des solutions ! » : face au changement climatique, l’alpiniste Xavier Cailhol veut encore prendre du plaisir en montagne


Dans le concert écoanxieux du moment, Xavier Cailhol fait entendre une voix singulière, lucide mais optimiste, voire émerveillée.


A 28 ans, Xavier Cailhol est déjà l’une des nouvelles icônes de la montagne en France. Il faut dire que les vidéos qu’il partage sur les réseaux sociaux sont spectaculaires : on le voit escalader les plus hauts sommets des Alpes ou dévaler les pentes les plus raides jamais skiées. Dans le concert écoanxieux du moment, il fait entendre une voix singulière, lucide mais optimiste, voire émerveillée.


Jamais personne ne l’avait fait avant lui. Le 22 mars dernier, accompagné de son ami Simon Welfringer, Xavier Cailhol a descendu à ski la face nord de la pointe de l’Epéna, dans le massif de la Vanoise. « Ce sont des pentes à 50 degrés d’inclinaison en moyenne, avec des passages un peu plus raides, notamment au milieu, à 55 degrés. Ça fait un peu mal aux cuisses ». Tout l’homme est résumé dans cette pirouette et ce sourire, pour évoquer rien de moins qu’une première mondiale et un exploit qui aurait pu être mortel en cas de chute.


Xavier Cailhol n’était pourtant pas destiné à devenir un aventurier de la montagne. Originaire du Doubs, où le principal sommet, le Mont d’Or, ne dépasse pas les 1 500 m d’altitude, il a été un enfant sportif, adepte de kayak, de vélo et de ski de fond. Son goût pour les activités de plein air l’amène à choisir le lycée Ambroise Croizat à Moûtiers (Savoie), dont la section montagne prépare au baccalauréat mais aussi aux brevets d'Etat d’accompagnateur, de pisteur secouriste ou d’escalade. Dans la capitale historique de la Tarentaise, impossible d’échapper au virus des sommets : Xavier Cailhol se met à l’alpinisme et à la slackline, puis à l’escalade sur glace et au trail. Ce qui l’intéresse, c’est de multiplier les activités, passer du ski de randonnée au vélo, ou de l’alpinisme au parapente et de profiter d’une totale liberté de mouvement : « J’aime revenir à cet instinct animal, où il faut intuitivement trouver le bon déplacement dans l’espace naturel ».


Maîtriser les risques

Après avoir décroché son diplôme d’Etat Jeunesse et sports d’escalade et son bac, Xavier Cailhol se lance dans des études universitaires en géographie. « Aujourd’hui, je suis doctorant, je prépare une thèse sur les évolutions de l’alpinisme imposées par le changement climatique et tout particulièrement par les nouveaux risques liés à la fonte des glaciers et à tout ce qu’il y a autour. On essaie de comprendre comment marche la montagne, quelle est sa dynamique, pour que les alpinistes comprennent ce qu’il se passe et puissent continuer leur pratique en maîtrisant le danger ».

Ainsi, face aux problèmes de stabilité des terrains, Xavier Caihol travaille à essayer de prévoir à quel moment les roches peuvent tomber, et – a contrario - à quel moment les conditions vont être plus sûres.


Et, de fait, le réchauffement climatique, Xavier Cailhol le voit chaque jour de ses propres yeux. « Les changements sont très nets depuis la fin des années 80. Et, c’est sûr que ces dernières années, c’est vraiment marquant, en m’y intéressant dans le cadre de la recherche depuis 3 ans, je vois que c’est exponentiel ». En tant qu’alpiniste, il sait qu’il ne peut plus, par exemple, emprunter la célèbre voie du pilier Bonati sur la face ouest des Drus dans le massif du mont Blanc : elle a été emportée par un gigantesque éboulement en 2005. En tant que géographe au laboratoire Edytem (Environnement, dynamiques et territoires de montagne) au Bourget-du-Lac (Savoie), sur tous les relevés, il voit la glace fondre, partout où elle est mesurée, comme sur le Linceul, cette voie des Grandes Jorasses : « Ça fait partie des plus vieilles glaces du massif, elle a plus de 1000 ans, mais on y a perdu au moins 40 cm d'épaisseur, et jusqu’à 1,2m par endroits, rien qu’entre l’été 2022 et l’été 2023 ». Plus spectaculaire encore, Xavier Caihol nous emmène sur la mer de glace. Quelques centaines de mètres au-dessus de la gare du Montenvers, est apparue l’été dernier une gigantesque crevasse, haute de15 mètres, d’un bleu doux et lumineux. « C’est impressionnant, les volumes que ça fait », reconnaît notre jeune guide. « Mais elle ne sera plus là cet été, avec la hausse des températures, cette faille va disparaître. On est dans de l’ultra-éphémère et dans de l’ultra-provisoire ».


Trouver du beau

Mais pas question de désespérer pour autant. « Moi, ça me fait des sensations assez mêlées », analyse Xavier Cailhol. « On est en train de vivre la fin de quelque chose et c’est vrai que c’est vraiment triste. Mais, en même temps, j’aimerais encore un peu y croire. En fréquentant ces milieux, en les parcourant, en y trouvant du sensible, du beau, je reviens à l’essentiel ». Et de prendre à témoin la nature environnante : « Ici, il y a 150 ans, il y avait de la glace partout, elle est partie, mais aujourd’hui tout est reconquis, tout repart, la vie elle est là. Il y a quand même du positif, de l’émerveillement ».


Et Xavier Cailhol de plaider pour continuer à s’amuser en montagne. « C’est pour ça que, quand certains disent : « On arrête le ski maintenant ! », moi je dis : « Non, on n’arrête pas le ski maintenant ! ». On continue et on trouve des solutions. Ça demande de développer d’autres compétences, de réfléchir autrement notre pratique. Moi, j’ai 28 ans, je veux encore prendre du plaisir en montagne, pas de vivre un long calvaire, éprouvant et pénible ». D’où cette question, qui traverse d’ailleurs ses recherches de géographe : au-delà de la montagne, n’est-ce pas notre imaginaire qui est le plus affecté par le changement climatique.


On a construit toute notre représentation autour d’une image de la montagne bien blanche, avec une neige et des paysages immaculés, où l’on peut tout faire et accéder à tous les espaces naturels. C’est sûr que ça, ça n’existe plus. En revanche, avec d’autres imaginaires, on peut prendre un plaisir fou. Il faut être un peu météorologue, un peu climatologue, un peu glaciologue, et savoir profiter des créneaux au moment où ils se présentent. Mais pour autant, on prend un plaisir incroyable.

Xavier Cailhol


Pour Xavier Cailhol, il faut donc commencer à imaginer la montagne de demain. « Mais cela ne se fera pas en un claquement de doigts. Car ce qu’il va falloir faire évoluer, c’est notre culture… et nos rêves d’enfants ».

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