Le Syndicat national des guides de montagne (SNGM) a organisé à Chambéry un colloque intitulé « Responsabilité, liberté, climat : subir les évolutions ou construire l’avenir du métier ? »
Outre les conséquences du réchauffement climatique, la soixantaine de guides présents ont échangé sur l’évolution de la responsabilité civile commune mise en place dans cette profession.
Il s’agit d’un enjeu majeur et « sociétal » selon Dorian Labaeye, président du SNGM, qui pointe une augmentation de 30 % de la cotisation d’assurance en deux ans pour les guides français.
Le réchauffement climatique et l’assurance peuvent-ils mettre en péril la profession de guide de haute montagne ? Une soixantaine des 1.500 guides actifs en France ont participé à un colloque, lundi à Chambéry, pour tirer la sonnette d’alarme et « poser dans le débat public des évolutions subies ». Président du Syndicat national des guides de montagne (SNGM), Dorian Labaeye fait le point pour 20 Minutes. Ce guide de 39 ans, essentiellement basé en Tarentaise l’hiver et dans les Ecrins l’été, ne cache pas son inquiétude quant aux conséquences du réchauffement climatique dans les Alpes.
« Des endroits sont métamorphosés, explique-t-il. Les glaciers en basse altitude ont perdu plusieurs dizaines de mètres en 30 ans. La saisonnalité de la pratique change car dès début juin, nous avons les conditions d’enneigement de mi-juillet. On constate que la fonte des glaciers entraîne des éboulements rocheux. Un itinéraire classique comme le couloir Whymper de l’Aiguille verte (Haute-Savoie) n’est plus accessible au-delà de juillet alors qu’on le parcourait tout l’été dans les années 2000. »
Des montants d’indemnités de plus en plus élevés
Un constat qui n’a pas entraîné pour autant de baisse d’activité pour ces guides de haute montagne, surtout « depuis que le Covid-19 a révélé une appétence du grand public pour l’outdoor ». Les guides sont conscients d’avoir « un rôle renforcé dans la transmission d’une prise de conscience environnementale auprès des clients ». Mais leur principale préoccupation lundi était ailleurs, et elle prend sa source dans un implacable constat : « Le risque fait partie de notre métier ».
La perception et les conséquences de cette notion de risque ont nettement évolué ces dernières années, à en croire le SNGM. Si sur le plan pénal, la responsabilité des guides est rarement engagée, le syndicat note que les guides sont de plus en plus pénalisés sur la problématique de l’assurance. Celle-ci répond à un principe de solidarité, afin de « protéger le guide individuellement », de lui éviter de se retrouver seul face à son assurance. « La courbe de notre activité augmente alors que celle des accidents baisse sur les dernières années, confie Dorian Labaeye. Le nombre de sinistres que règle notre assurance responsabilité civile professionnelle commune est pourtant en hausse, et les montants des indemnités sont de plus en plus élevés. » L’avocate Isabelle Monin-Lafin était ainsi présente à Chambéry pour éclairer les guides sur cet enjeu.
30 % de hausse de la cotisation d'assurance des guides en deux ans
Un exemple a récemment fait jurisprudence aux yeux du SNGM : « Un chef d’entreprise a subi une entorse au genou en montagne. Comme il a dû annuler un rendez-vous majeur au Japon quelques jours plus tard, où il devait signer un contrat, il s’est retourné contre notre assurance, et le tribunal civil nous a condamnés à plus d’un million d’euros de dommages et intérêts ». Dorian Labaeye, qui évoque une augmentation de 30 % de la cotisation d’assurance en deux ans, avec un montant de 670 euros à régler en 2022 pour les guides, se penche sur les réflexions suivant une telle décision.
Prendre un guide, ce n’est pas une assurance tout risque. Il y a toujours une part d’incertitude qu’il faut accepter. S’il n’y a pas de faute caractérisée du guide, pourquoi est-ce à nous de réparer ça ? Si on ne reconnaît pas la notion de consentement guide-client, on risque de précariser notre profession, et même bien au-delà. Donc que cela signifie-t-il à l’échelle de l’évolution de notre société ? »
« Veut-on d’un monde sans le moindre risque ? »
Anesthésiste-réanimateur venu de Marseille pour participer au colloque de Chambéry, Louis Fouché dresse un parallèle avec les difficultés d’accès à l’assurance qui ont également pu toucher le monde médical. Il perçoit « une anglo-saxonisation progressive » en France. « C’est une question sociétale : veut-on d’un monde sans le moindre risque ? »
Dorian Labaeye prévient : « A moyen terme, notre modèle d’assurance de groupe est menacé si rien ne change, car on a de plus en plus de difficultés à trouver un assureur ». Auteur en 2020 du livre Le Guide et le procureur (éditions du Mont-Blanc), Erik Decamp (68 ans) résume la situation qui touche actuellement la profession : « Le plaisir de faire ce métier de guide ne dépend pas des assurances, mais le coût de notre responsabilité civile dépend par contre de ça ».
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